semestre 5

prendre la mesure

Prendre la mesure de sa pratique suppose de se confronter à son impact. Dans le cadre d’un workshop de deux mois, animé par la designer Dinie van den Heuvel, les étudiant·e·x·s ont été sensibilisé·e·x·s aux compromis que la transition vers des pratiques durables exige et aux possibilités créatives qu’elle dessine. Dans l’entretien qui suit, Dinie revient sur l’approche (C2C) et sur les objectifs du workshop.

owning it

Owning one’s practice means addressing its impact. BA3 students were made aware of both the creative possibilities and compromises of moving towards sustainable practices in a two-month workshop overseen by designer Dinie van den Heuvel. In the following interview, Dinie reflects on the method (C2C) and aims of the workshop.

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Des pièces créées durant l’atelier C2C dirigé par Dinie van den Heuvel.

Pieces created during the C2C workshop led by Dinie van den Heuvel.

Le deuxième workshop du semestre a été mené par le designer technique Joy Ahoulou. Les étudiant·e·x·s y ont affiné leurs concepts au contact de choix et d’expérimentations de matières, d’embellissements et de finitions.

The atelier’s second workshop was led by technical designer Joy Ahoulou. It saw students placing fabrics, embellishments, and techniques at the centre of their collection’s conceptualization.

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Des exemples de recherches 2D tirés du workshop supervisé par Joy Ahoulou.

2D research examples drawn from the workshop supervised by Joy Ahoulou.

semestre 6

La crise s’est aggravée au moment où les étudiant·e·x·s s’apprêtaient à concevoir leur collection de diplôme. Nina Gander, adjointe artistique du département, s’est occupée de la situation de chaque élève pour assurer à chacun·e·x les meilleures conditions possibles pour la réalisation des trois silhouettes de collection (trois de moins que les années précédentes). Les étudiant·e·x·s ont été supervisé·e·x·s individuellement tout au long du processus de création par un professeur·e·x de leur choix. Parallèlement à l’accent placé sur la technique, iels se sont concentré·e·x·s, en début de semestre, sur la création d’une pièceimage. Quatre designers invité·e·x·s – Peter Wiesmann, Florence Tétier, Harry Freegard et Glenn Martens – leur ont fourni un soutien particulier pour la réalisation des accessoires, des visuels et du styling. En juin, les idées et les expériences en deux dimensions ont cédé la place aux vêtements. Le résultat est frappant : les images des collections semblent se réapproprier l’espace public, comme une revanche à prendre sur le temps du confinement. Elles font allusion parfois aux conditions dans lesquelles les vêtements ont été produits. Toutes semblent revendiquer, fièrement, les qualités transformatrices de la mode.

The pandemic worsened as students started work on their final collection. Nina Gander, the department’s artistic deputy, ensured each student had access to resources and the best possible conditions to complete their three silhouettes (three fewer than in previous years). Students were supervised individually throughout the process by a tutor of their choice. At the beginning of the semester, in addition to technique, students concentrated on creating a showpiece. Four guest tutors – Peter Wiesmann, Florence Tétier, Harry Freegard and Glenn Martens – provided additional help on accessories, images, and styling. In June, ideas and 2D experiments gave way to garments. Shot post-confinement, the images of the collections seem to speak to a sense of urgency: they reclaim public space, hint at the conditions in which clothes were produced, and proudly lay claim to fashion’s transformative qualities.

mémoire

Prendre la mesure de sa pratique implique aussi un effort de recherche considérable sur les thèmes qui en font l’essence ainsi qu’une connaissance du champ dans lequel elle s’inscrit. S’appuyant sur les cours théoriques de l’historienne de la mode Elizabeth Fischer et de professeur·e·x·s invité·e·x·s, les étudiant·e·x·s ont rédigé un mémoire de diplôme. Que signifie une mode queer ? L’artisanat est-il en voie de disparition ? En quoi l’écoféminisme permet-il de repenser la mode ? Revêtant un caractère urgent, ces travaux prouvent, s’il le fallait encore, combien la mode sert notre compréhension du monde.

Owning one’s practice also means in-depth research into the topics that inform it and an awareness of the field in which it inscribes itself. Building on the theoretical and historical perspectives that dress historian Elizabeth Fischer and guest lecturers provided them with, students wrote their diploma thesis. What does queer fashion mean? How can ecofeminism inform fashion? Is craftsmanship disappearing? Students produced timely and thought-provoking essays, proving, once more, how insightful fashion is as a field through which to think about socio-political issues.

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Quelques exemples des travaux de mémoires 2019/2020.

Examples of students thesis from 2019/2020.

interview

Dinie van den Heuvel, intervenante

workshop durabilité BA3

AF  En quoi a consisté votre atelier durable ?

DH Nous avons commencé par nous demander comment la durabilité influence la créativité, ce que nous en savons et comment il était possible de mettre en oeuvre une approche durable. Je voulais montrer aux étudiant·e·x·s que la durabilité n’a pas en soi d’impact négatif sur la créativité, qu’elle pouvait au contraire représenter un défi excitant. J’ai choisi de les initier à un modèle de conception dit du cradle-to-cradle. Ce modèle distingue deux cycles, le cycle biologique et le cycle technique. La première étape d’une pratique durable consiste à comprendre ces cycles et à éviter de les combiner. Tout ce qui peut se décomposer, qui provient des plantes ou est d’origine naturelle, appartient au cycle biologique. Si vous concevez dans ce cycle, cela signifie que vous pouvez réutiliser vos vêtements. Lorsqu’il n’est plus possible de les réutiliser, le vêtement pourrait en théorie être composté. Le cycle technique concerne tout objet ou vêtement fabriqué à partir de combustibles fossiles. Pensez au polyester, aux nylons ainsi qu’aux colles et nombreux autres matériaux que nos étudiant·e·x·s adorent comme l’époxy. Ces tissus synthétiques peuvent être réutilisés tant que vous maintenez leur pureté. Toutefois, une fois combinés, il devient impossible de les séparer. Votre plante n’est plus compostable et il est impossible de récupérer le polyester. En tant que designer, vous pouvez fabriquer des choses dans les deux cycles, mais un produit doit appartenir à l’un ou à l’autre. Cela signifie que vous pouvez optimiser leur durabilité en concevant des vêtements en monomatière comme des doudounes. Une chaussure par contre, les baskets en particulier, est un parfait exemple d’hybride. Aujourd’hui, il existe sur le marché des chaussures fabriquées avec du liège ou du coton biologique, mais la colle ou le coton mélangé avec du PET recyclé posent un problème.

AF As-tu un exemple de la manière dont le modèle du cradle-to-cradle a été mis en oeuvre par les étudiant·e·x·s ?

DH Un étudiant était vraiment passionné par la conception de vêtements techniques. Il voulait utiliser du silicone et un type de vernis à base de produits chimiques qu’il souhaitait appliquer sur du cuir. Afin de s’inscrire dans la démarche du cradle-to-cradle, il a dû chercher une solution de rechange. Après de longues recherches, il a découvert une colle comestible pour enfant. Elle se dilue à 60 degrés et est sans danger pour les eaux. Il a pu l’utiliser pour coller ses éléments en cuir. Pour lui, ça a été une vraie révélation de constater qu’un processus de durabilité ne signifie pas nécessairement renoncer à réaliser ses idées. Si vous utilisez quelques piliers clés, votre travail devient beaucoup plus responsable, sans interférence au niveau esthétique.

AF Pourquoi est-il difficile pour les designers de mode de basculer vers des pratiques durables ?

DH Les designers de mode adorent penser qu’iels ne font que créer, ce qui est vrai bien sûr, mais vous avez une responsabilité lorsque vous créez. Ce n’est pas illimité et cela ne devrait pas être gratuit. La responsabilité est inhérente à l’acte de création. Tout ce que vous créez a une vie. Vous l’avez conçu, vous en êtes donc responsable. Pour le design industriel, cela est parfaitement normal. Pour les designers de mode, c’est différent. La mode est plus proche de l’art, donc les designers de mode pensent davantage en termes d’expression de soi. La question de la responsabilité est moins présente, dans l’enseignement aussi. À partir du moment où vous acceptez la responsabilité de ce que vous faites en tant que designer, il devient plus pertinent de travailler de manière durable. Nous poussons les designers à être les plus créatifs possible. Pourquoi ne pas les mettre au défi de trouver des solutions plus créatives encore ? Pourquoi ne pas leur demander de fabriquer un produit dont l’impact n’est pas simplement meilleur mais positif ? Le coton biologique par exemple est déjà dépassé. Il est remplacé par une agriculture régénérative, ce qui signifie que le coton n’est pas seulement cultivé de manière biologique, il est également bénéfique pour l’environnement.

AF Comment abordes-tu les hésitations ou les peurs que les étudiant·e·x·s peuvent ressentir à l’idée de devoir porter des changements qui semblent, en partie, hors de leur portée ?

DH  La responsabilité est évidemment énorme. Pour autant, ignorer le problème n’est pas une option viable. Je pense que la première étape que l’on doit franchir en tant qu’industrie est celle de se responsabiliser. Il existe déjà beaucoup de connaissances, mais il est difficile – pour les étudiant·e·x·s en particulier – de s’y retrouver. Je suis toujours franche avec mes étudiant·e·x·s : je leur dis que c’est simple, mais pas facile. La distinction ici est que si vous avez des valeurs et une approche holistique de vos produits, vos choix sont déjà en partie faits. Il vous suffit de les mettre en oeuvre. Ce n’est évidemment pas aisé. Je suis végane, je n’utilise pas de produits d’origine animale dans la production de mes vêtements. Est-ce que cela est facile ? Non. Mais c’est une décision simple. La mettre en oeuvre signifie simplement un processus de recherche plus conséquent. Lorsque j’ai commencé à travailler de manière durable, j’ai réalisé que ma partie préférée était l’aspect de découverte. Je trouve de nouvelles choses chaque jour parce que je ne suis pas la seule dans l’industrie à travailler sur la durabilité. Dans des laboratoires, on fait « pousser » des robes à base de champignons. Le sentiment de peur peut être atténué en prêtant attention à tout ce qui change et en réalisant que toute évolution en direction d’une pratique plus durable, aussi petite soit-elle, est un gain.

AF Quelles sont les premières choses à transmettre à des étudiant·e·x·s sur la question de la durabilité ?

DH Chaque designer fonde ses créations sur une vision ou un concept, à laquelle il faut commencer par intégrer une optique de la durabilité. Il est important d’expliquer aux étudiant·e·x·s qu’il n’y a rien à craindre et qu’il faut simplement s’y mettre. Deuxièmement, on doit les responsabiliser vis-à-vis de leurs produits. Cela ne veut pas dire que leurs idées ne peuvent pas être réalisées. Il faut être au clair par contre sur l’impact environnemental de ses créations. Pour aider les étudiant·e·x·s à défendre leur vision et leur offrir le plus d’options possibles, on devrait couvrir des sujets qui ne sont généralement pas présents dans les programmes des écoles de mode. Comprendre pourquoi il est mieux de choisir du coton biologique plutôt que du coton ordinaire suppose une connaissance des processus agricoles. Avoir une compréhension de la chaîne d’approvisionnement et des différents processus de culture du coton (ou de fabrication du polyester) est essentiel pour faire des choix durables. Par ailleurs, plus nous formerons nos étudiant·e·x·s à penser de manière critique, plus le choix d’une pratique durable s’imposera.

Dinie van den Heuvel, guest tutor

sustainability workshop

AF  En quoi a consisté votre atelier durable ?

DH We started by asking what sustainability does to your creativity — what do you know about it and how can you think about it? I wanted to introduce students to the notion that sustainability does not per se have a negative impact on creativity. It can be the biggest, most exciting design challenge they have ever tackled. I wanted to show them the sheer extent of its potential and introduce them to the different paths to it. We then approached these questions with the cradle to cradle framework. The cradle to cradle framework distinguishes two cycles or streams, the biological cycle and the technical cycle, and the first step to sustainable design is understanding these cycles and not combining them. Bluntly said, anything that can decompose comes from plants or is from a natural source belongs to the biological cycle. If you design within that cycle that means you can reuse your clothes. When it is no longer possible to reuse or alter, then the garment could, theoretically, be composted. The technical cycle relates to any object or garment made out of fossil fuels. Think polyester, nylons, plastics…a lot of the glues and the stuff that our students love like epoxy. None of these elements decompose, they need to be recycled in close-the-loop facilities where the recycling ensures the quality of the raw resources. These technical fabrics can be reused and reused again and again as long as you keep them pure. What is very important in cradle-to-cradle thinking is that you never mix materials from those two different cycles because from the moment you blend something, it becomes impossible to separate its different components. Your plant is no longer compostable and the polyester is impossible to recover. As a designer, you can experiment and make things in both cycles, but a product has to belong to one cycle or the other. Whatever you design, if you keep those two cycles separated, sustainability is easier to implement. It means you can optimise its afterlife by making mono-material garments like puffa jackets for instance. A shoe, on the other hand, and sneakers in particular, are a perfect example of a hybrid. Today there are shoes on the market that are made with cork, natural rubber, or with organic cotton but then the glue is an issue, or cotton blended with recycled PET. When you link resources together from different cycles, giving them any future life becomes very complicated.

AF Do you have an example of how the cradle-to-cradle framework was used by students?

DH One student was really into technical thinking. He wanted to use silicon and a certain type of chemical-based varnish, which he wanted to apply on leather. To stick with the cradle-to-cradle framework, he had to find a solution. He did tons of research and found a child glue which you can eat. It dilutes at 60 degrees and is safe for the waterways. He glued his pieces of leather with it, and it looked and felt like silicone — transparent and flexible. For him, it was a complete eye-opener, sustainability doesn’t necessarily mean you can’t realise your ideas. If you use a few key pillars, your work becomes so much more responsible, with no interference on the aesthetic level. This was very much the goal of the workshop.

AF Why is it so difficult for designers to implement sustainable thinking into their practice?

DH Fashion designers love thinking that they just create, which they do of course, but you have a responsibility when you create. It is not limitless and it shouldn’t be gratuitous. Responsibility is inherent to the act of making. Anything you put out there is going to have a life. You created it, so you are responsible for it. For product designers, this is perfectly normal. For fashion designers, it is different. Fashion is closer to art, so fashion designers think more in terms of self-expression. The question of responsibility is less present, in teaching also. From the moment you accept that as a designer you are responsible for what you make, it just becomes more pertinent to work sustainably. We are training fashion designers to be creative. That is what we do. But why not challenge them to come up with solutions that are even more creative? Why not ask them to make a product that is not just better but that actually has a positive impact? Organic cotton for instance, as nice as it is, is already outdated. It is being replaced with regenerative agriculture, which means the cotton is not only grown organically, it is also beneficial for the environment.

AF How do you address the hesitations or fear that students might feel having to carry the burden of changes that seem beyond their grasp?

DH  The responsibility is huge. But hiding from it doesn’t make it disappear. I think the first step that we need to take as an industry is to become accountable. There is a lot of knowledge out there already but it is hard for students in particular to find their way to it. I am always frank with my students: I tell them that it is simple, but not easy. The big distinction here is that if you have values and a holistic approach to your products, your choices are partly made already. You just have to implement them. This is not easy of course. I am vegan, I don’t want to use animal products. Is it easy? No. But it is a simple decision. Implementing it practically means doing your research. The funny thing is, that when I started to work sustainably, I realised that my favourite part was the aspect of discovery. I find new stuff every day because I am not the only one working towards sustainability in the industry. There are so many new things happening. All of a sudden you have these mushroom-based dresses grown in laboratories. God knows what you can do with that! The prospect of working with new materials makes me really excited. Fear can be lessened by looking at all that is changing and being developed, and understanding that any change you make is a gain.

AF What are the first things educators should get across to students when addressing sustainability?

DH Firstly, each designer has a vision or a concept from which they design. This should be broadened to incorporate their vision of sustainability. You need to explain to students that there is nothing to be afraid of and that they should get started. Secondly, you have to make students aware of the responsibility they have for what they make as designers. It doesn’t mean they shouldn’t realise their ideas. It just means that the students should acknowledge the impact of their designs. To help students stand up for their vision and offer them ample choices, we need to give out more information on topics not usually covered in current fashion curricula. To understand when and why you can pick organic cotton over regular cotton, you need to know what organic cotton is but also how farming works. Understanding the supply chain and the different processes of how cotton is grown (or how polyester is made) is crucial to making sustainable choices. The more we train our students to be critical thinkers, the clearer it will be that the next step for them is to set out their sustainable design paths.

étudiant·e·x·s
students

Louana Aladjem

Céline Bagnoud

Beatriz Cruz

Jeremy Currat

Grégoire D’Aubert

Victoria Davies

Brigitte Da Conceiçao

Marco Gomes

Fatma Elshabbi

Myrtille Georges

Louise Marine Jarrige-Le Berre

Marie-Caroline Janssens De Bisthoven

Zoé Marmier

Norman Mabire Larguier

Salomé Raffy

Niels Raonison

Quentin Richard

Marie Schenker

Dhony Arvian

professeur·e·x·s et intervenant·e·x·s
tutors and guest tutors

Joy Ahoulou

Sofian Beldjerd

Valentine Ebner

Aude Fellay

Alexandre Fiette

Elizabeth Fischer

Harry Freegard

Joëlle Gagliardini

Laurence Imstepf

Iulia Hasdeu

Sophie Kurkdjian

Lysianne Léchot-Hirt

Natacha Malanitcheva

Blandine Manoury

Bertrand Maréchal

Glenn Martens

Emilie Meldem

Anne Saturno

François Schaffter

Sabine Schechinger

Natalia Solomatine

Natalia Solomatine

Florence Tétier

Dinie Van den Heuvel

Peter Wiesmann

assistant·e·x·s

Danaé Fenger

Quentin Langlet

Madeline Ribeiro

Vous trouverez ici le plan d’études du Bachelor en Design Mode.

Find details on the programme of the Bachelor of Arts in Fashion Design here.